Meeting you, at last | Lizbeth

Cela faisait deux semaines qu'il s'était mis à travailler pour la MCA, en tant que psychiatre mais aussi en tant qu'agent. Alors il lui avait fallu suivre un entrainement, minime pour apprendre à se servir d'une arme. De toute façon, il ne ferait pas partie des forces d'intervention mais des agents qui enquêteraient, qui resteraient au bureau la plupart du temps. Même si son pouvoir pourrait s'avérer très utile sur le terrain. En tout cas, il n'était pas prévu qu'il aille tabasser des mutants, même avec ses capacités, ça c'était pour le reste de l'équipe, les anciens agents de police ou du gouvernement qui avaient rejoint les rangs de la MCA quand ils avaient fait leur recrutement. En travaillant depuis aussi peu de temps, il avait eu beaucoup de choses à rattraper, des choses pas nécessairement très intéressantes.

Jusqu'à ce matin-là. Il avait ouvert un dossier en retard, un dossier qu'on leur avait confié, d'une personne que la MCA aimerait beaucoup recruter. Que la MCA aille chercher des gens, cela n'était pas étonnant, ni intéressant, ils l'avaient fait pour lui, alors pourquoi pas avec d'autres ? Mais ce fut le nom sur le dossier qui interpela Christopher dans un premier temps. Il connaissait très bien ce nom, pour cause, il connaissait également son frère et avait échangé de nombreuses lettres avec cette femme. Lizbeth Sloan. Il n'avait pas su comment la contacter, après être sorti de prison, et on lui avait formellement interdit de retourner voir Theodore en prison, sachant qu'il faisait partie de sa bande quand il était également enfermé. Aucun moyen ne s'était offert à lui pour retrouver la douce jeune femme et il aurait été difficile de la garder sous son giron avec la surveillance de la MCA de toute façon. Déjà que voir Ailish s'avérait compliqué…

Mais la chance lui souriait. Lizbeth avait un pouvoir qui intéressait la MCA, parce qu'elle pouvait inhiber les pouvoirs des autres mutants. Inutile de sortir d'Harvard pour comprendre à quel point un don pareil pouvait être précieux. Que ce soit pour le gouvernement, pour la police ou pour n'importe qui d'autre, une personne capable de supprimer les pouvoirs des autres était un atout inestimable. Même Christopher trouverait une utilisation aux pouvoirs de la demoiselle si on lui en laissait l'occasion…La mission qui était la sienne, d'après le dossier, était d'aller voir Lizbeth, de la convaincre de faire ce qu'on lui demandait. A qui d'autre auraient-ils pu confier cela de toute façon ? La MCA savait tout de Christopher, ils savaient tout de ses dons et de ses capacités de persuasion, en plus de son don…

Christopher avait mis un impeccable costume, comme il aimait le faire quand il était psychiatre. Trois pièces, couleur de cendres, avec une chemise blanche et une cravate légèrement plus foncée. Il était élégant, comme à son habitude, et bien coiffé. Il prenait toujours soin de son apparence, mais cette fois il avait fait un effort particulier, il ne voulait pas avoir l'air négligé, pas avec Lizbeth. C'était peut-être la seule chance qu'il aurait de l'approcher, en vrai, sans que son frère soit là, pour essayer de la manipuler et de la faire tomber sous sa coupe définitivement. La mission qu'il devait remplir pour la MCA lui importait peu à cet instant précis, tant qu'il pouvait l'avoir elle et profiter de son esprit torturé pour étudier, à nouveau, les méandres de la psyché humaine…

La solitude était parfois lourde, avant le black-out, la vie lui semblait plus douce. Aujourd’hui il lui restait quoi ? Elle avait perdu son emploi, n’avait plus aucune nouvelle directe de son frère et se retrouvait avec des lettres sans réponse de Christopher. L’étudiante en psychologie essayait de garder son calme et de ne pas perdre pied. Il était inutile de paniquer, elle savait à quel point cela pourrait la desservir. C’est dans l’idée de garder la tête froide qu’elle continua sa vie de façon normale, maintenant l’appartement familial dans cet immeuble horrible, continuant de prendre un minimum soin d’elle, suivant une journée type et ordonné, ponctué par une liste de choses à faire et qu’elle faisait chaque jour. Se lever, se doucher, se coiffer, se nourrir, étudier……... Répétant cela chaque jour depuis qu’elle avait perdu son boulot, elle essayait de garder un rythme de vie normale malgré sa perte d’emploi, sa vie changeante et les inquiétudes pour son frère. Parfois, il lui arrivait de se sentir soulagé de ne plus avoir de nouvelle de celui-ci, il lui arrivait même d’espérer que le black-out ait eu raison de lui, mais rapidement la culpabilité venait enserrer sa gorge et chasser ces pensées de sa tête au profit de l’inquiétude et de l’amour qu’elle portait à ce frère malgré les sévices.

Ce matin-là, elle avait fini par décrocher son téléphone, appelant le pénitencier. Cela faisait des semaines à présent qu’elle n’avait aucune nouvelle et si parfois l’inquiétude était supportable, il y avait des moments comme celui-ci où elle ne tenait plus en place. C’étaient beaucoup de changement à gérer, pour tout le monde. Elle écoutait la musique d’attente du pénitencier dans lequel se trouvait son frère... Une minute... Deux minutes... Trois... Quatre... Elle savait que la prison d’état avait des choses à régler et à gérer depuis le black-out, que c’était compliqué pour eux, mais il n’en restait pas moins qu’elle ne demandait qu’une chose : avoir de vraies nouvelles de son frère. Lorsqu’enfin elle eut quelqu’un au bout du fil, elle resta plutôt posée bien que le tremblement de sa voix laissait sous-entendre une certaine nervosité.

"Mais... Ca fait des semaines qu’il est en isolement..." Supplia-t-elle, fatiguée d’avoir systématiquement la même réponse. En temps normal, elle aurait attendu, mais là, on ne lui donnait aucune information, aucune date de retour, aucune information concrète autre qu’il était en isolement et qu’elle devrait patienter.

"Je ne sais même pas comment il va depuis le black-out, ce qu’il est... A... Arrêter de me dire que je dois attendre ! Ca fait des semaines que j’attends ! Je veux juste savoir quand je pourrai venir lui rendre vis-... Mais j’en ai rien à foutre ! Il a des droits ! Et j’ai des droits ! Je veux le voir !"

On continua pourtant à lui tenir tête, ses nerfs finissant par lâcher, elle raccrocha au nez de la personne. Atteignant un point de non-retour indéniable, elle alla chercher sa veste et couvrit la robe noire tout à fait classique qu’elle portait. S’apprêtant à sortir lorsqu’on frappa à sa porte.

"Putain" laissa-t-elle échappé malgré elle dans un murmure. Elle soupira, regarda l’heure et hésita à simplement faire la morte et attendre que le visiteur inopportun s’en aille. Elle n’était pas vraiment d’humeur et n’avait qu’une seule envie, se mettre en route vers la prison pour demander des réponses directement sur place. Pourtant, l’homme ne sembla pas bouger, il l’avait probablement entendu et avant d’avoir l’air ridicule, elle décida d’ouvrir la porte.

"Je suis désolé, mais j’allais partir et je suis vraiment pr-”

La fin de sa phrase s'évanouissant dans la nature lorsque ses yeux tombent sur l’homme qui lui fait fasse. Son cœur manqua un battement, peut être même deux tant la surprise est grande. Ce regard, ce visage, cela l’avait beaucoup trop marqué pour qu’elle ne le reconnaisse pas dès le premier coup d’œil. Il était, certes, différent dans ce costume et cette allure impeccable, mais les angles de ses traits et ces yeux-là, elle aurait pu les reconnaître parmi des milliers.

"Monsieur Raine..." Laissa-t-elle à nouveau échapper. Elle s’éloigna de la porte, oubliant ses projets de faire route vers le pénitencier. Laissant alors la place à Christopher pour rentrer dans son appartement. Il était petit, il était tout ce qu’elle avait connu. Sa mère était morte ici, elle avait grandi ici et elle continuait d’y vieillir. Elle n’avait pas les moyens de déménager et si le gang ne l’aidait pas, elle serait à la rue aujourd’hui. L’appartement était modeste, les murs décrépit, à l’image du quartier où elle vivait et de sa vie particulièrement modeste. Elle n’osa rien dire sur le moment, le laissant entrer et refermant la porte derrière elle. Si elle avait tendance à jurer avec son propre appartement à cause de ses allures fragile et innocentes, Christopher jurait bien plus encore dans ce costume et avec cette coiffure impeccable. Elle frotta légèrement sa robe pour la défroisser et tenta de mettre un peu d’ordre dans ses cheveux. Ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait, ils avaient conversé par courrier pendant un long moment, mais ça... C’était une situation tout à fait nouvelle et à laquelle elle n’avait pas eu l’occasion de se préparer.

"Je...J’ignorais que vous... Etiez sortit"

Dit-elle timidement, c’était même un peu blessant quand elle y pensait, elle avait continué à lui écrire après tout, pourquoi ne lui avait-il pas dit qu’on lui avait accordé une sortie anticipé ? Ou... Peut-être avait-il profité du black-out… Non... Ces vêtements, c’était bien trop propre pour un homme en cavale.

Le psychiatre s'était présenté à l'appartement sans appeler pour prévenir, il s'était douté qu'elle ne voudrait pas le voir si il faisait ça. Il était noté dans son dossier qu'elle ne voulait pas travailler pour le gouvernement, qu'elle avait déjà refusé des offres que la MCA lui avait faites. Prévenir qu'ils allaient repasser n'était sans doute pas la meilleure idée du monde dans ce cas précis, elle risquait de se renfermer encore plus sur elle-même et refuser tout contact. Non, venir de front et lui parler, la rencontrer pour la première fois en chair et en os, cela était la solution la meilleure qu'il entrevoyait. Et il avait envie de la revoir, revoir ces grands yeux bleus si innocents et son visage d'ange...

La porte s'ouvrit à la volée alors qu'il venait d'y toquer, se tenant bien droit, les mains dans le dos. Il détailla son doux visage, ses beaux cheveux blonds, la petite robe noire qu'elle portait sous son manteau...Il s'en souvenait ainsi : douce, innocente, délicate...Elle allait être franche, probablement pour lui dire qu'elle avait à faire, qu'elle ne pouvait pas le recevoir, jusqu'à ce qu'elle relève ses yeux si bleus vers lui. Sa phrase s'arrêta nette, Christopher esquissa un petit sourire. Il sentait, au fond de lui, un sentiment étrange, une sorte de timidité à la rencontrer véritablement, à l'avoir en face de lui après toutes ces lettres, ces quelques regards échangés sans jamais de mots prononcés à haute voix...

L'entendre prononcer son nom, ça avait quelque chose de surnaturel, d'irréel. Elle recula de quelques pas, surprise, sous le choc, incapable de savoir quoi faire. Il comprenait et avança dans l'appartement, les mains toujours dans le dos, regardant autour de lui, inspectant rapidement l'appartement. Il avait déjà imaginé là où pouvaient vivre le frère et la soeur Sloan, avant l'enfermement du grand frère. Il n'était pas si loin du compte que cela, quand il imaginait un appartement insalubre et minuscule dans lequel elle avait vu des horreurs. Il en frémit en repensant à l'appartement dans lequel lui-même avait passé les dix premières années de sa vie. Ce n'était nullement le moment de penser à tout cela, Christopher se contenta de reléguer ses souvenirs à l'arrière-plan de son esprit, pour ne se concentrer que sur elle.

La porte fut refermée, Christopher n'avait encore rien dit quand elle mit le doigt sur un fait indéniable. Oui en effet il était sorti de prison et non il ne le lui avait pas dit. “ Je suis navré de ne pas avoir pu vous avertir plus tôt. Quand je suis sorti, on m'a fait comprendre que je ne devais pas revoir de connaissances de la prison et...Ma foi...Je connais votre frère, vous revoir aurait été une violation de cette règle... ” Il inclia légèrement la tête son ton était sincère, si il avait pu la revoir avant, il l'aurait fait. Il n'aurait pas manqué cette occasion. Mais celle qui se présentait là était unique et, même si il n'attribuait pas cela à un quelconque destin, il en était tout de même reconnaissant.

“ Je suis enchanté de pouvoir vous parler, réellement. Nos échanges de lettres m'ont beaucoup manqué ces derniers temps mais...Avec ce qui s'est passé, le Black Out, ma sortie de prison, je n'ai pas eu une minute à moi. ” Christopher marqua une pause, la regardant dans les yeux, un léger sourire sur les lèvres. Il se montrait courtois, ne voulant pas insister sur le fait qu'ils se trouvaient toujours dans ce qui servait d'entrée, ce n'était pas important. Il ne voulait pas non plus entrer trop vite dans le vif du sujet, sa présence dans son appartement était un sujet qui ne lui plairait peut-être pas. Et il y avait mille et une choses dont il voulait discuter avant d'en venir à des sujets aussi sérieux que la MCA...

Il y avait quelque chose de particulièrement irréel à cette situation. Etait-il réellement là ? Elle n’avait aucune raison de perdre la tête au point d’avoir des hallucinations aussi réelle mais cela ne l’empêchait pas de lui laisser une drôle de sensation au fond de sa poitrine. Fixant l’homme qui se mouvait dans le petit appartement, elle était un peu honteuse face à ce dernier. Il avait l’air tellement propre, sur de lui, et même si elle tenait l’appartement du mieux qu’elle le pouvait avec ses moyens, il n’en restait pas moins qu’elle avait l’impression que celui-ci souillait la personne qui se tenait devant elle. Alors qu’il lui donnait les raisons pour lesquels il ne lui avait rien dit, sa gorge se serra un peu plus. La mention de son frère lui rappela qu’en cet instant précis, il sera probablement plus qu’en colère s’il savait qu’un homme, autre que lui ou quelqu’un qu’il avait envoyé, était entrer dans cet appartement. Elle jeta un coup d’oeil vers la porte d’entrée, hésitant à inviter Christopher à prendre un café à l’extérieur mais là son instinct lui rappelait que les yeux de son frère était un peu partout même depuis sa cellule. Elle se pinça les lèvres et frotta le bout de son nez en s’éloignant de son entrée, invitant Kit d’un geste de la même à rejoindre la pièce de vie principale.

Tout était vieux, aussi propre que possible dans ces conditions, mais vieux et abimé. Lui désignant le canapé pour l’inviter à s’asseoir. Elle avait déjà l’impression de pouvoir sentir l’ombre de T’ sur elle. Une autre petite part d’elle savait pourtant que si elle n’avait aucune nouvelle de lui, il y avait fort à parier qu’il ne pouvait pas en avoir d’elle. Elle baissa pourtant les yeux, allant derrière le bar de la cuisine ouverte pour remplir un verre d’eau pour elle et un autre pour Christopher, elle se dirigeait vers lui. Lui tendant le verre, elle eut un petit sourire timide, ses joues prenant une légère couleur plus rosée.

"J’ai continué à vous écrire" admit-elle après qu’il ait lui même fait part de son contentement de l’avoir enfin face à elle. Depuis le blackout, elle avait écrit une lettre par semaine et toutes étaient resté sans réponse.

La première faisait part de ses craintes vis à vis de ses changements, du fait qu’elle avait l’impression d’être la seule à n’avoir simplement aucun pouvoir. De son attente de voir dans les journaux qu’il y en avait d’autres comme elle, qui n’avait rien d’extraordinaire. La deuxième semblait presque plus désespérée, elle n’avait plus de nouvelle de lui, ni de son frère et le monde autour d’elle avait évolué sans elle. Elle lui disait qu’elle allait se rendre à l'hôpital pour des examens. La troisième lui expliquait qu’elle avait bien une capacité et des conséquences sur sa vie, la perte de son emploie, son isolement. Posant son verre sur la table basse, elle retira son manteau, le noir de sa robe venant mettre en avant la blancheur de son épiderme.

"J’avoue que...Je suis surprise de vous voir. Je ne comprend pas." se montrant honnête, elle verrouilla son regard dans le sien "Vous venez de dire que vous ne pouviez pas reprendre contact avec moi à cause des liens avec mon frère et la prison..." Elle frotta à nouveau le bout de son nez avant de prendre son verre d’eau entre ses doigts.

"Mais vous êtes ici..." Détournant les yeux quelques secondes, elle revint les poser sur l’homme "Pourquoi ?"

La femme semblait agitée, comme si elle ne savait pas comment elle devait agir avec lui, ce qu'elle devait faire ou ne pas faire. Christopher, sûr de lui en toutes circonstances, ne voulait en aucun cas la brusquer et rompre le contact, si fragile. Il se rendait bien compte qu'il avait, en quelques sortes, merdé, en n'allant pas la voir immédiatement, en ne lui donnant aucune nouvelle. Il baissa les yeux, se demandant si il avait si bien fait que ça, si il avait si bien calculé son coup avant de venir ici. Il la suivit en semblant réfléchir, gagnant le salon, qu'il détailla comme le reste de l'appartement et de ce qui s'y trouvait. On sentait que l'habitante voulait le tenir propre, aussi agréable que possible, mais que ce n'était pas possible. Cet endroit réveillait tellement de souvenirs en lui, tellement d'images qu'il avait cherché à enfouir au plus profond de lui depuis des années. Si il l'avait pu, il aurait préféré demander à Lizbeth si elle voulait sortir, prendre un café ou n'importe quoi d'autre, pour éviter d'être piégé entre ces murs décrépis et froids.

Pourtant, il n'osa pas. Ce dont il avait à lui parler, il ne pouvait pas vraiment le faire en public. Révéler ses pouvoirs, discuter de la MCA, des conditions qu'elle pourrait vouloir pour accepter...Non définitivement, Christopher ne pouvait se permettre de parler de ça dans un café, où des oreilles indiscrètes les entendraient. Il s'assit dans le canapé, laissant la jeune femme s'éclipser et lui ramener un verre d'eau, qu'il prit en la remerciant poliment. Elle lui avoua alors qu'elle avait continué de lui écrire, depuis le Black Out. Il ne savait pas. Il n'avait pas eu les lettres alors qu'il était à l'isolement, on ne lui en avait pas parlé non plus quand il était sorti. Et personne n'avait dit à Lizbeth qu'il était sorti et que ce n'était plus la peine de lui écrire. Ça l'énervait. Les gens n'avaient plus aucune considération parfois, c'en était réellement rageant. “ Je suis vraiment navré pour les lettres, je l'ignorais. On m'a placé à l'isolement après le Black Out à cause...de mon pouvoir... ” Le ton de Kit était sincère, il regrettait de ne pas avoir eu ces lettres.

Christopher avait détourné le regard, surtout en entendant les questions de Lizbeth. Elle avait entièrement raison, il n'avait peut-être pas été aussi fin que prévu. Ou il l'avait jugé moins maline qu'elle ne l'était en réalité. “ En effet, cela peut paraitre déconcertant, ” admit-il en esquissant un petit sourire, relevant les yeux vers elle pour les plonger dans ses deux océans bleutés. “ On m'a fait sortir de prison pour travailler pour la Mutant Control Agency. Et...Ma mission...C'est vous, Lizbeth. On m'a demandé de venir vous parler, d'essayer de vous convaincre de travailler pour la MCA. ” Il avait été franc, ses yeux toujours braqués dans les siens, il ne voulait pas lui faire peur mais il ne voulait pas faire trainer les choses. “ Je sais que...ce n'est pas...évident. Ni facile. Vous devez avoir l'impression que l'on veut vous utiliser. Ça a été le cas avec moi également. Ils sont venus me chercher en prison, me disant que mon pouvoir et mes connaissances en psychiatrie étaient utiles...Je me vends en quelques sortes, mais cela m'a été utile aussi, puisque je ne suis plus en prison. ” Christopher savait qu'il pouvait promettre certaines choses en échange de la coopération de Lizbeth et il y comptait bien. Il comptait bien parier sur le fait qu'elle voulait faire sortir son frère de prison, même si leur relation était pour le moins spéciale...

Son regard parfois fuyant était généralement poser sur lui, sur les traits de son visage ou encore la posture de son corps. Elle semblait à l'affût du moindre mensonge. Si lorsqu’elle lui écrivait elle avait la sensation de pouvoir lui faire confiance, en l’ayant face à elle, elle ne pouvait s’empêcher d’entendre au creux de son oreille la voix de son frère lui rappeler qu’il n’y avait que lui pour lui vouloir du bien. Les habitudes étaient coriaces et elle savait qu’elle ne devait pas s’aveugler par tendresse ou sympathie. Pourtant, elle ne décela aucun mensonge, aucune tromperie dans ses mots et sa façon de s’exprimer face à elle. Sincèrement navré et pourtant, elle ne comprenait toujours pas et fini par exprimer son incompréhension. Comment pouvait-il être ici si on le lui avait interdit ? Qu’est-ce qui lui avait fait changer d’avis ? Et la réponse tomba comme un coupe raie. Ses doigts autour de son verre ses crispèrent à la mention du MCA

"Je leur ai déjà dit non"

Elle ne pouvait pas se permettre de travailler pour eux, incapable de faire confiance aux instituts gouvernementaux. Elle faisait partie de ces gens qu’on avait laissé pourrir dans leur quartier misérable, elle avait vécu l’ouragan, avait vécu l’horreur qui s’en était suivit, la pauvreté, la maladie. Ici, c’était un monde que le gouvernement avait depuis longtemps oublié mais elle...Elle n’avait pas oublié. Au-delà de ses considérations, il y avait aussi le simple fait qu’il s’agissait d’une sorte de super flics à Mutant et là encore, il y avait une contradiction pour elle, travailler pour eux signifiait être dans l’autre camps et elle n’était pas certaine de vouloir faire partie de l’autre camps, elle connaissait ses sombres désirs, elle savait qu’au fond d’elle quelque chose de mauvais rôdait...Elle ne pouvait définitivement pas jouer les hypocrites en devenant une super flics. Et être contre son propre frère, là encore, il n’en était pas question. Il était déjà en prison à cause d’elle, elle ne tenait pas à en ajouter une nouvelle couche. Elle voulait se faire pardonner, par qu’il finisse par la haïr profondément.

Et oui, il y avait toujours son frère. Imaginant aisément que la MCA signifait potentiellement des voyages dans tous les Etats-Unis. S’éloigner de la Louisiane était très clairement en dehors de ses projets. Si elle avait aspiré à partir à une époque, aujourd’hui c’était depuis longtemps révolus.

"Ce n’est pas une impression, vous et moi nous le savons. Ils veulent m’utiliser tout comme, de toute évidence, ils vous utilisent" remarqua-t-elle, loin d’être idiote. "Je n’étais rien avant que ma capacité ne leur arrive aux oreilles...Et si je n’avais pas fait ces examens à l’hopital, personne n’en aurait jamais rien su." Conclua-t-elle.

Elle but dans son verre quelques gorgées pour se donner contenance avant de le reposer, et à nouveau, elle passa son index sur le bout de son nez avant de poser ses mains sur ses genoux serrés. Une certaine déception avait traversé son regard, l’homme n’était pas venu la voir parce qu’il désirait le faire mais parce qu’il s’agissait bien là d’une mission. Elle eut un petit sourire navré pour elle-même avant de relever ses iris bleutés sur lui.

"Je suis désolé que vous vous soyez déplacé pour rien Monsieur Raine." Dit-elle poliment, se relevant, elle reprit le manteau qu’elle venait tout juste d’enlever, le gardant contre son bras sans l’enfiler alors qu’elle s’approchait de la porte d’entrée pour l’ouvrir et inviter Christopher à quitter son appartement.

"J’allais m’en aller avant que vous n’arriviez...Nous sommes 7 milliards et demi sur terre et je crois que la MCA a très largement les moyens de trouver quelqu’un d’autres que moi ayant les même capacité" remarqua-t-elle avec une certaine lucidité "Je suis vraiment désolé" répéta-t-elle.

Et elle l’était profondément, elle était désolé que cette première rencontre soit seulement le fruit d’une mission gouvernemental tout comme elle était désolé de devoir lui répondre non, d’être une sorte d’échec. D’être la source d’un problème dans la vie de Christopher mais devait-elle vraiment prendre cela en considération au vu du peu d’intérêt qu’il semblait avoir sincèrement porter à leur étrange relation épistolaire ?
Elle eut un regard vers son bureau, là où se trouvait ses cours et certains ouvrages que Christopher lui-même lui avait conseiller. Elle n’avait pas envie qu’il parte mais elle se sentait trop blessée pour le voir rester et elle devait vraiment tirer au clair ce qui était advenu de son frère depuis le blackout.

Depuis qu'il était arrivé, Christopher avait remarqué beaucoup de petits gestes, dans le comportement de la jeune femme en face de lui. Elle se touchait le nez souvent, le frottant, ses mains bougeaient beaucoup. Elle était nerveuse, le psychiatre pouvait presque deviner les questions qui tourbillonnaient dans sa tête, toutes les questions qu'elle se posait en le voyant là. Tendue et stressée, elle passa carrément à crisper quand Christopher lui parla de la raison de sa venue, de pourquoi il se trouvait devant elle. Crispée et énervée presque aurait-il dit. La simple mention du nom de l'agence avait suffit à la bloquer, la fermer totalement. Il avait dû perdre un peu la main avec les gens normaux en étant en prison, les prisonniers ne fonctionnaient pas de la même manière, la prison était un monde à part, un monde plus violent. Quoi que depuis le Black Out, ce fait se discutait.

Lizbeth s'était levée, laissant le psychiatre sur un non retentissant, le genre de non qui ne laissait pas d'autre alternative que de se résigner. Sauf que Christopher n'était pas comme ça. Il avait fait une erreur, il avait négligé les sentiments de la demoiselle, ne pensant qu'à ce qu'elle ressentait pour son frère, le besoin de le faire libérer, au lieu de se concentrer sur une autre relation : celle qu'il avait eu avec elle. Leurs lettres ne laissaient pas beaucoup de mystères quant à ce qu'elle attendait de lui, elle voulait un mentor, elle voulait quelqu'un pour la soutenir, lui enseigner ce qu'il savait...Il avait été ça, pendant leurs échanges épistolaires, mais il ignorait si après cette discussion si courte, il l'était encore...

Il était clair qu'elle voulait le chasser de chez elle, pour retourner s'occuper de ses affaires et de celles de son frère. Il la suivit jusqu'à l'entrée, où elle avait déjà ouvert la porte, prête à le pousser dehors. C'était d'ailleurs ce qu'elle faisait avec des mots, le chasser de chez elle, le mettre dehors sans état d'âme ni regret. Christopher avait la mine basse, sa posture sûr de lui et droite semblait s'être légèrement voûtée, comme si tout d'un coup, un poids énorme s'était abattu sur ses épaules, le forçant à se courber. Ayant franchi la porte de l'appartement une nouvelle fois, il releva ses yeux perçants vers elle, jetant sur son doux visage un regard triste et à la limite du désespoir. Il ne souriait plus du tout, même pas un peu, et poussa un long soupire à fendre l'âme de n'importe qui.

“ Il y a sept milliards et demi d'habitants sur cette terre, mais une seule et unique Lizbeth Sloan... ” se contenta-t-il de dire, sur un ton morne et résigné. Il avait baissé à nouveau les yeux, semblant regarder le sol du couloir dans lequel il se trouvait. Était-ce la première et la dernière fois qu'il verrait Lizbeth...? C'était une bonne question. Si il avait joué la bonne carte, ce serait un non, bien sûr. La tête toujours basse, il continua, à mi-voix. “ Quand j'ai vu votre nom dans mes dossiers, j'étais aux anges. Je me disais qu'enfin j'allais pouvoir vous rencontrer, vous parler de vive voix et pas juste vous croiser au parloir... ”

Christopher replaça les mains dans son dos et soupira à nouveau, tâchant de se redresser et fit remonter son regard vers elle, le plantant à nouveau dans le sien. “ Vous avez un don incroyable, miss Sloan. Et si je voulais venir vous voir...C'était pour me sentir humain à nouveau. Mon don...est une malédiction. Depuis que je l'ai, je me sens monstrueux et vous auriez pu être la seule personne au monde capable de, peut-être, me rendre humain à nouveau...Mais je comprends, je ne vous importunerai plus, ” acheva-t-il de dire avant de s'incliner légèrement, avant de commencer à tourner les talons.

Son coeur se serra devant l’attitude de celui qui avait été un mentor pour elle. Elle s’était sentie blessée et maintenant, elle regrettait presque de se montrer aussi rude avec celui-ci. Pourtant, c’était lui qui était apparu dans sa vie après l’avoir laisser sans réponse, et il n’était là uniquement parce qu’on le lui avait demandé non ? Elle avait beau se souvenir du sourire sur son visage lorsqu’elle lui avait ouvert la porte, de la sincère déclaration de contentement, il n’en restait pas moins qu’il avait clairement dit qu’il était ici pour la ramener à la MCA. Elle détourna le regard pour ne pas avoir à souffrir de l’attitude triste et déçu de Christopher. S’il y avait des gens qu’elle rêvait de faire souffrir au point que cela puisse l’idée puisse aller jusqu’à l’exciter, il y en avait d’autre où cela la gênait carrément et cet homme là en faisait partie.

Ces premières paroles vinrent bousculer à nouveau ses sentiments, relevant les yeux vers lui. Qu’entendait-il par là ? Etait-ce l’homme qui parlait pour l’agent ? Tant de question se bousculait dans son esprit, essayant de déchiffrer le mystère. Une seule Lizbeth Sloan, cela sonnait presque bien dans cette bouche mais au fond, qu’avait-elle à offrir ? Elle était maline mais face à une personne qui avait pu toucher les bancs de l’université, elle n’était rien. Elle était insignifiante et ses espoirs de sortir de cette vie de misère s’était éteint ces derniers jours.
La mâchoire serrée, elle s’obligea à garder le silence, il n’y avait rien à ajouter et elle craignait de lui demander de rester si elle ouvrait à nouveau la bouche et ce n’était clairement pas une bonne chose. Elle ne voulait pas se vendre au gouvernement, être éloigné de son frère.

Mais elle ne s’était pas attendu aux dernières paroles de Christopher. Ce n’était pas sans rappeler Grace, cette fille qui avait récemment pris sa place au restaurant où elle travaillait juste avant d’être renvoyer. Si certains ne supportaient pas la présence de Lili à cause de sa capacité, leur donnant une sensation de redevenir faible...Il y en avait d’autre qui pouvait au contraire se reposer en sa présence. Elle se pinça les lèvres, se mordit la langue pour que la douleur lui permette de détourner à nouveau les yeux. Son coeur lui faisait mal et elle avait l’impression d’avoir cessé de respirer. Elle ne savait plus quoi penser, peut-être il y avait-il eu un coup du destin ? Peut-être que Christopher avait simplement saisi une occasion de la revoir sans que cela ne soit une entorse à ses conditions de libération ?

Elle ignorait si elle allait regretter son juste ou non mais elle fit un pas en dehors de son appartement, tendant la main vers cet homme et attrapant la main de ce dernier pour le retenir. Une fraction, elle crut sentir quelque chose traverser son corps alors qu’elle murmurait un "Attendez". Ses yeux fixèrent un instant le contact entre leurs mains avant de l’attirer à nouveau vers elle et l’intérieur du vieil appartement.

"Vous m’avez pas dit...Ce que vous êtes devenu après le black-out…” Prétexta-t-elle qu’à moitié, relâchant enfin la main de l’homme pour à nouveau lui laisser le passage vers son appartement.

"Je dois avoir du café…” Une invitation, à simplement discuter. Prête à entendre ce qu’il avait à lui dire, son histoire à lui.

Comprendre les gens, leurs motivations, leurs désirs profonds était devenu une seconde nature pour Christopher, une manière de survivre dans un monde qui lui voulait du mal. Cette capacité lui avait sauvé la mise bien des fois, que ce soit quand il était enfant ou encore en prison. Là encore, cette aptitude était un don précieux, dont il usait et abusait sans sourciller. Que cherchait-elle vraiment elle ? Être reconnue ? Être aimée ? Avoir quelqu'un pour l'aimer et la choyer vraiment ? Non, ce que voulait Lizbeth, de l'avis du psychiatre, c'était être spéciale, se sentir spéciale dans l’œil de quelqu'un. Et ça, Christopher pouvait parfaitement le lui donner. Manipuler les gens était une de ses spécialités, même si ça ne marchait pas sur tout le monde, comme il s'en était rendu compte avec le chef de son unité...Mais avec elle, ça marcherait, elle était tellement en demande d'attentions qu'il n'aurait même pas eu besoin de sortir le grand jeu pour lui faire changer d'avis.

Dos à elle, il jubilait presque, essayant malgré tout de dissimuler cette émotion, ce sourire en coin d'avoir joué habillement son coup. Il n'eut pas à attendre bien longtemps avant que la réaction ne surgisse et que Lizbeth jaillissent de l'appartement pour venir lui prendre la main. Le psychiatre tressaillit, son souffle se bloqua dans sa poitrine à l'instant où la peau de la femme touchait la sienne. Il s'attendait, comme toujours à ressentir cet afflux d'énergie, ce pouvoir formidable qui circulait tout d'un coup dans ses veines. Mais non. Il n'y eut rien. Absolument rien du tout. Aucune énergie. Aucun plaisir coupable de sentir la vie de quelqu'un s'enfuir pour gagner son corps. Pour la première fois depuis le Black Out, Christopher pouvait toucher quelqu'un, il pouvait sentir la douce caresse d'une peau sur la sienne...Ce contact qu'il avait détesté quand il était enfant et adolescent, lorsque des hommes l'avilissaient, le souillaient en passant leurs mains sur lui...

Christopher s'était tendu, immobilisé et la voix de la jeune femme le ramena à une sorte de réalité qu'il pensait avoir quitté en sentant la main de Liz dans la sienne. Elle le tira vers elle, le ramenant vers l'appartement, trouvant une excuse pour le faire rester et lui proposer un café. Trop surpris par ce contact qu'il avait oublié en seulement quelques semaines, Kit n'avait plus son petit air triomphant et suivit juste la blonde dans l'appartement. “ Je...Je suis ce qu'ils appellent un Titan. Mon pouvoir est de tuer les gens, ” commença-t-il, avec quelques trémolos dans la voix, totalement volontaires. Il avait fait un pas en avant avec son côté mielleux à souhait pour la toucher en plein cœur, il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin. “ J'aspire la vie des gens, en les touchant. Je...n'avais pas touché quelqu'un sans gant depuis...Depuis le Black Out pratiquement... " Ce n'était pas la plus stricte vérité mais ce n'en était pas loin. Du moins, il n'avait pas touché quelqu'un sans que cette personne en souffre depuis le Black Out.

“ Je sais que nous ne nous connaissons pas vraiment mais...Quand j'ai appris que je pourrais vous revoir et que...que peut-être vous étiez...J'allais dire une solution à ma malédiction mais non, vous n'êtes pas ça. Je ne veux pas vous utiliser... ”

Elle s’était rapidement éloigner de lui, laissant retomber son manteau sur le dossier d’une chaise pour se diriger vers la cuisine assez rapidement. Elle ne souhaitait pas vraiment le fuir mais elle voulait occuper ses mains pour ne pas se laisser trop assaillir par les émotions. Elle l’écoutait cependant, avec une attention toute particulière. La capacité de tuer les gens, elle fronça un peu les sourcils, presque curieuse et quelque part...Peut-être même intéressée. Qu’aurait-elle fait d’un don comme celui-ci ? Avec la suite de ses paroles, elle comprit que le contact de cet homme était donc capable d’ôter la vie ? Elle regarda ses mains qu’elle avait abandonné et réfléchis un peu à cette idée simple: qu’aurait-elle fait d’un don comme celui-ci ? Une brève seconde, une lueure étrange mêlant jalousie et excitation traversa son regard. Elle caressa le bout de son nez avant de reprendre la confection d’un café. N’ayant pas les moyens d’avoir du véritable café moulu, il s’agissait du café instanné. Faisant alors chauffer l’eau.

"C’est pour ça que vous étiez en isolement"

Du moins, elle le supposa aisément. Glissant une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille, elle s’approcha à nouveau de l’homme. Un petit sourire timide et désolé se glissant sur déposant sur ses lèvres. Que pouvait-elle réellement en faire ?

"J’ai perdu mon emploi à cause de...ma capacité” Expliqua-t-elle "je vous l’ai écrit dans l’une de mes lettres"

Son regard se posa sur la table qui servait de bureau. Il y avait effectivement des enveloppes, une photo de son frère et elle, ses cours par correspondance, ses propres notes et ses lèvres.

"Récemment...La clientèle se plaignait...D’après le patron” retournant vers la cuisine, elle sortit du sucre d’un placard, du lait du frigo, déposant tout cela sur le bar. "Je crois que c’est surtout lui que ça dérangeait...Même si...Les gens ont plutôt tendance à m’éviter. Personne n’aime être faible"

Et il y avait malgré tout des personnes comme Christopher, comme Grace, qui appréciait la compagnie de la jeune femme parce qu’elle pouvait leur apporter un peu de répit. Elle jeta un coup d’oeil au psychologue, elle ne pouvait pas et surtout ne voulait pas le laisser tomber à présent. Il était difficile d’oublier les regards, difficile d’oublier les lettres qui avaient suivi.

"J’ai l’impression parfois que...Le black-out n’a rien changé pour moi, au début c’est ce que j’ai cru, que j’étais la seule personne sur terre qui ne possédait absolument aucune capacité et quand on a découvert que si...Ca n’a pas vraiment changer les choses. Je ne sais pas comment cela fonctionne, je sais juste...Qu’il suffit d’être près de moi pour être défaits de ses capacités” Expliqua-t-elle.

Elle ressentait parfois une certaine gêne de ne pas pouvoir le ressentir, c’était presque frustrant, c’était comme un battement cil. Cela existait mais elle n’en avait tellement pas conscience qu’elle ne le ressentait pas et elle aurait aimé pouvoir avoir quelque chose à décrire. Non, c’était juste là. Elle prit l’eau chauffée pour remplir les deux tasses, les posant ensuite avec le sucre et le lait sur le bar. Reposant ses yeux sur Christopher, elle laissa ses iris se balader sur ce visage avant de descendre le long de son cou, de son bras et de finir sur sa main.

Elle avait encore envie de le toucher maintenant qu’elle savait...Mais elle n’en fit rien, observant simplement cette peau potentiellement meurtrière.

"Comment cela fonctionne ?" demanda-t-elle malgré tout, prise par une certaine curiosité morbide.

L'évidence qu’énonça Lizbeth aurait pu faire sourire le psychiatre, elle avait parfaitement raison mais elle enfonçait une magnifique porte ouverte. Il s'abstint de faire le moindre commentaire, se moquer d'elle n'allait pas aider à arranger la situation, au contraire même. Surtout que la confession qui suivit l'intéressa bien plus que la remarque quelque peu idiote qu'elle avait soulignée. Christopher écouta avec attention, debout dans le chambranle de la cuisine, à la regarder s'occuper du café qu'elle lui avait proposé. Il souriait doucement, jubilant presque de pouvoir entendre les confessions spontanées de la jeune femme. Il garda le silence, ne voulant pas l'interrompre et se contenta d'écouter.

Il était indéniable que Lizbeth avait souffert, à cause du Black Out. Comme des milliers, des millions d'autres personnes à travers le monde. Mais ça, elle était sans aucun doute au courant, elle semblait bien plus empathique que ce à quoi le psychiatre avait pu s'attendre. Christopher s'approcha d'elle, essayant tout de même de garder une certaine distance de sécurité, ne serait-ce que pour respecter la sphère personnelle de la jeune femme. Il avait toujours eu l'habitude de rester éloigné des gens, que ce soit pour lui ou pour les autres, son pouvoir n'avait fait qu'amplifier cette attitude. S'approcher trop près des gens, c'était prendre le risque de les toucher et de déclencher son pouvoir. Et même si faire du mal aux gens ne lui posait pas le moindre problème, il ne voulait pas avoir l'air de prendre son pied à aspirer la vie de quelqu'un comme ça...

“ Le Black Out a changé les choses pour tout le monde, même si on ne peut pas toujours s'en rendre compte... ” souffla-t-il doucement, en posant sur elle son regard charmant. Christopher ressentit l'étrange besoin de la toucher à nouveau, de poser sa main sur sa joue, de reprendre sa main dans la sienne ou encore de lui caresser la nuque. Il se retint, bien sûr, ce n'était ni approprié ni sain, il n'était là que pour la faire venir à lui, même si pour cela elle devait se mettre à travailler pour la MCA. Pour faire passer cette envie, le psychiatre se concentra sur le café qu'elle venait de finir de préparer, y ajoutant sucre et lait, avant d'en boire une gorgée, murmurant un merci à l'intention de Lizbeth.

La question le surprit. Elle était curieuse, elle l'avait déjà été de nombreuses fois dans ses lettres, mais cette question était presque indiscrète. Les gens avaient une certaine réserve avec les pouvoirs, ils évitaient de s'intéresser trop aux pouvoirs des autres, de poser des questions trop indiscrètes. Il esquissa un fin sourire, masqué par sa tasse alors qu'il buvait à nouveau du breuvage chaud. “ Je l'ignore, pour tout vous dire. Il suffit que ma peau soit en contact avec celle d'un autre être vivant pour...me nourrir en quelques sortes de son énergie, de sa vie. Je...J'ai tué quelqu'un en prison à cause de ça... ” Kit détourna les yeux de Lizbeth, montrant une vive honte à la suite de ses paroles, comme si tuer cet homme qui avait voulu l'agresser ne lui plaisait pas. C'était très loin du compte, mais Christopher ne pouvait pas dire à ce petit oiseau tombé du nid qu'il aimait tuer...”

Son regard continuait de fixer ces mains...Une certaine curiosité morbide la prenant, quel sensation cela faisait pour ceux qui était victime de cela ? Etait-ce douloureux ? Ou au contraire, assez agréable pour promettre à Christopher de pouvoir se servir de ça plus facilement ? Son attention fut détourné par les mouvements de l’homme, l’observant mettre du lait et du sucre. Des informations qu’elle ne put s’empêcher de mettre dans un coin de sa tête. Contrairement à l’homme, elle garda son café noir, n’y ajoutant absolument rien, appréciant sa chaleur et son amertume. C’est en écoutant ces dernières paroles qu’elle se crispa une nouvelle fois. La mention de la prison l’amenait toujours à repenser à son frère et avec cette pensée suivait alors toute ces inquiétudes, plus encore lorsque Christopher admis avoir tué un homme là-bas ?

Ressentait-elle un peu d’espoir ou tout le contraire ? Elle-même avait du mal à le savoir.

"Je n’ai plus aucune nouvelle de mon frère" Dit-elle simplement, ses yeux retournant fixer son café noir. "J’ai beau appelé..."

Elle soupira, réfléchissant à la situation, elle s’apprêtait à faire route vers le pénitencier, elle s’apprêtait à y aller. Aller sur place et réclamer à le voir mais en cet instant, quelque chose d’autres s’était allumer dans son esprit. Christopher avait quitter la prison pour que la MCA puisse se servir de ses dons et maintenant il voulait les siens à elle ? Son coeur commençait à battre très fortement lorsqu’elle commençait à voir là un moyen de pression idéal.

"Si vous n’aviez pas été ici en partie parce que la MCA vous l’a demandé, je vous aurais aidé avec plaisir" débuta-t-elle avec sincérité.

Elle savait que ce qu’elle s’apprêtait à faire n’était pas une bonne chose, ou tout du moins, ce n’était pas ce que ferait une bonne personne mais elle n’était pas une bonne personne. Elle avait grandit dans un monde de violence, de manigance, la loi du plus fort. Et quand on avait pas de muscle à offrir, la tête pouvait être une arme redoutable. Un monde individualiste qui vous apprenait à profiter des situations lorsque vous le pouviez.

"Ils ont eu le pouvoir de vous faire sortir de prison..." débuta-t-elle et elle savait qu’à partir de maintenant, Christopher pouvait aisément deviner ce qu’elle s’apprêtait à dire.

"Je travaillerai pour eux s’ils font sortir mon frère de prison...Il y est parce qu’il m’a sauvé, cela fait trop d’année qu’il paye, ça a assez duré”

Elle se montra un peu plus dur et plus ferme, pas complètement dupe, elle se doutait bien que la MCA continuerait de la harceler pour obtenir d’elle ce qu’elle voulait et elle craignait quelque part qu’ils finissent par l’avoir avec un moyen de pression autrement moins agréable pour elle.
Comme tout le monde, Christopher connaissait que la version des faits que Lili avait donné au tribunal pour empêcher son frère de finir sur la chaise. Elle s'était persuadé de la véracité de cette version face au besoin de son frère d'y croire de cette façon aussi.

"Et je veux le voir...Aujourd’hui"

Continua-t-elle par la suite, elle avait besoin de s’assurer qu’il allait bien, qu’il était en sécurité, qu’il était vivant, elle devait s’assurer de tout ça et le faire sortir de là.  

La situation dans laquelle était le psychiatre n'avait rien de très normale. Il était sur le point de promettre à une jeune femme de faire sortir son frère de prison si elle acceptait de travailler pour la MCA. Ce genre d'échanges était-il monnaie courante pour l'agence gouvernementale ? Il n'en savait rien, tout ce qu'il savait avec certitude, était qu'il avait été sorti de prison pour cette même raison et qu'il semblait tout à fait logique qu'on fasse sortir Theodore pour la même chose. A la différence près que Christopher n'avait jamais tué personne de ses mains et qu'il savait clairement ce dont Teddy était capable pour ses affaires et son gang, il l'avait bien vu quand ils étaient dans le même bloc. Et il n'avait pas vraiment apprécié de se faire passer pour un moins que rien incapable de se défendre pour gagner son soutien et pouvoir l'approcher...Peu importait maintenant.

Christopher se retint de sourire, en voyant qu'elle énonçait ses conditions avec tout le sérieux et le cran dont elle était capable. Elle voulait donner l'impression d'être forte, ferme également sans aucun doute. Elle était tellement mignonne, avec ses grands yeux innocents, ses cheveux blonds si parfaits et son air adorablement angélique...Comment aurait-il pu la prendre au sérieux ? Elle jouait les durs mais n'en restait pas moins une jeune femme fragile, non pas que ce soit un défaut, mais la voir changer de rôle était si amusant, si intéressant, que Christopher se demandait réellement comment ne pas au moins sourire en assistant à cela. Il trouva la solution en se mordant l'intérieur de la joue, histoire de donner le change et garder son sérieux face à elle. Il aurait pu commencer immédiatement par lui dire qu'elle pouvait le faire sortir, il aurait pu la calmer en lui disant cela quand elle avait voulu filer. Mais pourquoi gâcher le jeu si vite hein...?

“ Je me doutais que vous auriez ce genre de revendications, ” commença-t-il alors qu'elle venait d'ordonner de le voir le jour même. Elle rêvait, il ne pourrait pas arranger ça aussi rapidement, même en prévenant immédiatement ses supérieurs. “ Concernant sa libération, de ce que je sais de l'affaire, c'était de la légitime défense. Je suppose que ça ne devrait pas poser problème de le faire sortir, peut-être la MCA voudra lui demander des choses mais...Il devrait pouvoir sortir. ” Christopher souriait à la jeune femme en face de lui, gentiment, essayant de se montrer rassurant. L'affaire de son frère n'était pas très compliquée, il avait tué un homme pour défendre sa soeur, victime d'une agression. C'était ce qu'il racontait, c'était ce que disait le dossier, c'était ce qui semblait le plus logique. Etait-ce la vérité...? Là c'était une tout autre histoire.

“ Mais si je peux vous dire qu'il va sortir, je ne peux pas vous assurer de le voir. Je dois appeler le supérieur qui m'a confié votre cas et en discuter avec lui, si votre frère est en confinement, il y a une raison, je le crains. Je verrai ce que je peux faire cependant. ” Le psychiatre n'avait pas réellement besoin de s'assurer qu'elle signerait bel et bien, si elle le lui disait, il la croirait. Il avait tout l'impression que Lizbeth était incapable de mentir, ou du moins de revenir sur une parole donnée comme celle qu'elle s'apprêtait à donner. L'avoir dans son giron promettait d'être une expérience plaisante et enrichissante...

Elle le fixait, essayait de cacher sa nervosité et de garder l’air ferme. Elle devait s’assurer qu’elle le prenait au sérieux et de toute façon, c’était le cas. Le deal était clair, soit ils acceptaient ce qu’elle voulait, soit elle refusait catégoriquement de travailler pour eux. À ses yeux, c’était un juste échange, elle allait les laisser se servir d’elle (car elle ne rêvait pas, elle serait un instrument plus qu’un être humain aux yeux de l’agence), ils pouvaient bien en échange lui rendre son frère. En d’autres termes, elle s’apprêtait à troquer son libre-arbitre et sa liberté pour que son frère puisse retrouver la sienne. Il ne cacha pas qu’il n’était pas surpris par la demande et elle ne le fut pas plus par ces mots. Il était psychiatre, il savait analyser les gens, leur besoin, leur désir, qu’il puisse deviner les siennes n’avait rien d’étonnant et puis, elle n’avait jamais caché son attachement pour son frère dans ses lettres. Tout comme elle n’avait jamais caché les sévices et tout le paradoxe de ses sentiments, la haine et l’amour, au même niveau, puissant et formant un équilibre fragile.

Son cœur se gorgeait d’espoir alors qu’il confirmait que la sortie de son frère pouvait-être facilement négociable. Oui, il l’avait défendu, il avait tué l’homme qui avait profité d’elle. Ni plus, ni moins, pouvait-on reprocher à un frère de vouloir abattre celui qui avait souillé sa sœur ? Elle avait beau connaître la vérité au fond d’elle, cela faisait des années qu’elle s’était convaincu de l’histoire que son frère lui avait dit de raconter. Elle fronça néanmoins les sourcils lorsqu’il admit que la MCA voudrait potentiellement lui poser quelques questions.

“Quel genre de choses ?" Ne put-elle s’empêcher de demander, suspicieuse. Il n’y avait rien à demander de plus, tout était dans le dossier, il l’avait défendu, ni plus ni moins et elle ne voyait pas ce qui pouvait intéresser la MCA de plus, mais si c’était le prix à payer pour obtenir sa libération, elle supposa que cela ne gênerait pas son frère de répondre à quelques questions si ça lui permettait de revenir à la maison.

Il confirma néanmoins que sa sortie serait effective par contre, concernant la visite, il ne pouvait pas se permettre d’organiser cela aujourd’hui. Ses doigts se crispèrent autour de sa tasse de café noir, elle n’en voulait pas à Christopher, mais cette situation usait de sa patience. Cela faisait tellement de temps maintenant qu’elle n’avait plus aucune nouvelle de son frère et très clairement, cela la rendait plus sensible et instable que d’habitude. Elle eut un sourire malgré tout, quittant sa tasse des mains pour prendre les mains de Christopher dans les siennes. Sachant qu’elle ne risquait absolument rien.

"Demain ?" Insista-t-elle, plus doucement, ressemblant bien plus à une petite fille avec un caprice qu’à une véritable jeune femme et pourtant, ce qui suivit n’avait rien d’un discours de petite fille "Je vous en serai vraiment reconnaissante si vous y arriviez..." Enchaîna-t-elle. Elle appréciait Christopher, elle avait beaucoup d’estime pour lui suites aux nombreux échanges de lettres et dans ses yeux brillaient de cette lueur d’admiration qui avait pu transparaître un peu plus à chacune de ses missives.

"Une dernière chose..." Demanda-t-elle cependant "J’aimerais travailler avec vous..." S’il faisait partie de la MCA, était-ce réellement impossible ? "Je ne veux pas servir de pot de fleurs qu’on pose dans un coin d’une salle pendant un interrogatoire pour inhiber les pouvoirs d’un suspect... Je n’aurai pas d’autres chances d’apprendre si je ne vous le demande pas alors... J’aimerais que cette expérience me serve réellement."

L'inquiétude de Lizbeth était palpable quand elle parlait de son frère, tout comme cet amour qu'elle lui vouait sautait aux yeux. Christopher ne pouvait douter un seul instant qu'elle ferait tout pour lui, absolument, même en dépit de ce qu'il lui avait fait, de ce qu'il était. Il était réellement fasciné, plus que par tous les autres cas qu'il avait eu. Etudier les criminels était intéressant, mais étudier leurs victimes l'était parfois bien plus encore. Voir à quel point elles pouvaient se sentir proches de ces monstres, à quel point elles aimaient ces monstres. C'était un phénomène rare que le Syndrome de Stockholm, mine de rien, et Christopher n'avait jamais pu en observer un de près, il n'avait vu que des cas théoriques, dans les livres. En avoir un juste sous les yeux était une tentation à laquelle il ne pouvait pas résister et, lui aussi, serait capable de promettre et de faire beaucoup de choses pour continuer à observer cela en action et, qui sait, peut-être agir sur ces deux charmants frère et sœur.

“ Oh sûrement trois fois rien, ” s'empressa-t-il de dire, pour tenter de rassurer le petit oiseau affolé qu'elle était devenue à la mention des questions que l'on pourrait poser à son frère. “ Mais je les connais assez pour savoir qu'ils ont peut-être des choses à lui demander sur les criminels avec qui il était en prison, ou lui proposer de travailler pour eux, comme ils l'ont fait pour vous et moi. ” Il lui sourit largement, rassurant et doux, sans oser faire de gestes vers elle pour essayer de la rassurer plus encore. Il ne voulait pas l'effrayer ou outrepasser la confiance qu'elle pouvait avoir en lui à cet instant. Mais ce fut elle qui fit le geste à sa place, posant sa tasse et venant glisser ses petites mains blanches autour de celles du psychiatre. Il tressaillit de nouveau, incapable de contrôler l'appréhension qu'il avait quand quelqu'un tentait de le toucher, incapable de ne pas penser à ce qui arriverait quand leurs peaux seraient en contact.

Mais à l'instar de leur premier contact, il ne se produisit rien et le souffle de Christopher ressortit de sa poitrine. Elle leva vers lui ses grands yeux bleus qui feraient sans doute fondre absolument n'importe qui. Mais faire fondre Kit était une autre paire de manches, une chose que personne n'avait réussi à faire jusqu'ici et que l'on était pas près de voir. Au lieu de cela, il put assister à une transformation chez la jeune femme timide et inquiète. Elle jouait des rôles, ce devait être sa manière de se protéger du monde, des autres et, surtout, de son frère. La femme timide, renfermée, était le visage que tout le monde voyait, celui qu'elle montrait à son frère le plus souvent également. La petite bonne femme cherchant à être ferme avec son visage d'ange était un autre de ses masques, pas moins intéressant, mais en tout cas peu surprenant. Mais celui-là...Celui qu'il avait sous les yeux à cet instant et qu'il ne pouvait s'empêcher de savourer...Oh celui-là était un régal pour les yeux.

Il n'aurait jamais cru que Lizbeth soit capable de séduction, même involontaire. Était-elle sincère ? Ses yeux brillaient, elle semblait admirative et penser tout ce qu'elle disait au psychiatre, de la reconnaissance jusqu'au plaisir qu'elle aurait à travailler avec lui, si il la laissait faire. Christopher plongea ses yeux dans les siens, essayant de dissimuler cette petite joie jubilatoire qu'il ressentait à l'attirer dans ses filets, ne fut-ce que pour qu'elle puisse sauver son frère. Travailler avec elle, l'avoir sans cesse sous la main et pouvoir contempler, analyser en direct son comportement et ce qu'elle avait dans la tête...Il ne pouvait pas refuser cela, il ne pouvait pas aller contre ses propres désirs de psychiatre trop curieux. “ J'appellerai mes supérieurs en sortant pour arranger une visite demain, c'est promis, ” assura-t-il en gardant ses yeux rivés dans les siens. Une petite visite à laquelle il aurait aimé assister mais il ne pourrait sûrement que se contenter des images de surveillance, il n'était pas censé retourner à la prison...

“ Je serais très heureux de vous avoir avec moi pour travailler, miss Sloan. Je vais faire en sorte que ce soit le cas, il serait en effet dommage de vous laisser dans un coin à ne rien pouvoir faire alors que vous avez d'aussi utiles compétences que les vôtres. Je sais que vous apprendrez vite, ” continua-t-il avec un sourire charmeur sur le visage. Ailish n'avait pas su résister aux compliments et au charme du psychiatre, en serait-il de même avec Lizbeth...? Grande question à laquelle il espérait une réponse en travaillant avec elle, juste par curiosité...

Un poids s’ôta de ses épaules lorsqu’il accepta d’essayer d’arranger une visite pour le lendemain. Elle allait pouvoir revoir Theodore, s’assurer que rien ne lui était arrivé et surtout, lui annoncer que très bientôt il pourrait à la maison. Pour l’heure, elle savourait cette petite victoire, loin de se poser d’autres questions sur ce qu'impliquait le retour de son frère dans leur appartement. Lorsque Christopher quitterait son appartement, il y aurait fort à parier qu’elle finirait par prendre un peu de recul et d’autres inquiétudes viendrait parasiter son esprit. Le retour de son frère allait entraîner bien des choses mais elle ressentait le besoin pressant de l’avoir à nouveau près d’elle. Le monde tel qu’il était aujourd’hui l’effrayait, elle avait beau savoir inhiber les pouvoirs des autres, il n’en restait pas moins qu’elle ne savait pas se battre et elle avait bien comprit que sa capacité impliquait de frustrer les gens autour d’elle et donc de subir leur colère parfois.

Vraiment, elle avait peur au fond.

Les joues de l’étudiante se teignirent à nouveau d’une couleur plus prononcée alors qu’elle recevait un compliment de celui qu’elle considérait comme son mentor. Elle apprenait vite car elle avait depuis longtemps été habituée à apprendre seule. L’école public où elle avait eu son éducation faisait surtout du mieux qu’ils pouvaient et son frère avait malgré tout nourri cette curiosité chez sa soeur. Au fond, il voulait le meilleur pour elle, et occuper l’esprit curieux de Lizbeth avait probablement été une façon d’éloigner sa précieuse petite soeur des problèmes de la rue. Elle avait plutôt grandit avec des livres entre les mains plus qu’un flingue. Son regard se posa sur leurs mains, elle caressa le dos de celle de Kit avec son pouce avant de lui sourire timidement.

"Je ferai en sorte de ne pas vous décevoir" promit-elle en relevant ses yeux couleurs d’eau sur lui.

Elle savait au fond qu’elle jouait un jeu dangereux mais il y avait quelque chose chez cet homme qui l’attirait, une aura, un aimant. Bien avant le black-out. Elle pouvait le sentir et elle était presque certaine que lui aussi. Sans parler de destin, elle avait envie de découvrir pourquoi, comment…
Maintenant que les conditions étaient posée, qu’elle n’était plus obligée de partir pour rejoindre la prison et obtenir des réponses à ses questions, sa curiosité se réveilla sur cette proposition d’emploi.

"En quoi consisterait mon rôle ?" Une lueure s’alluma dans son regard "Vous allez réellement me laisser approcher d’autres criminels ?" l’excitation ? La curiosité ? C’était autant de chose qui traversa son regard azur à cette idée.

Ses grands yeux de biche, Christopher avait du mal à s'en défaire, il fallut que ce soit elle qui détourne le regard pour qu'il parvienne à arrêter de plonger son regard dedans. La promesse qu'elle lui faisait était douce à ses oreilles, celle de ne pas le décevoir. Il voulait y croire, il voulair croire qu'elle pouvait ne pas le décevoir, quelle ferait ce qu'il fallait, qu'elle travaillerait dur...Mais tous finissaient par le décevoir, tous ceux à qui il accordait sa confiance. Ce n'était qu'une question de temps, lentement mais sûrement, tout le monde finissait par faire la petite erreur qui, aux yeux de Christopher, était de trop ou ruinait tout simplement tout ce qu'ils avaient construit ou pas.

La sentir si proche de lui avait un effet que le psychiatre n'avait pas soupçonné, en réalité. Parce que cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait laissé personne le toucher. Même avant le Black Out. En prison, on n'avait que peu de contacts. Hé oui, pour un homme hétérosexuel qui ne se posait pas la moindre question sur son orientation, être enfermé uniquement avec des hommes vous empêchait clairement de pouvoir nouer des liens physiques avec des gens...Et il valait mieux ne pas se laisser trop approcher, toucher ou quoi que ce soit d'autre parce que ça pouvait très mal finir pour votre cul. Au sens le plu strict qui soit. Alors le toucher de cette jeune femme était...non seulement surprenant mais aussi agréable. Ailish n'avait jamais eu ce genre de contacts avec lui, pas d'une manière aussi agréable en tout cas, elle n'avait jamais osé franchir le pas. Elle ne pourrait plus jamais désormais.

“ Votre rôle, en tant que brillante apprentie, sera de m'assister et d'apprendre, surtout. Alors...Oui je crois qu'il va falloir vous mettre en contact avec des criminels, ou tout du moins des suspects, pour déterminer si ils sont coupables, les interroger, ce genre de choses. ” Christopher marqua une pause, n'osant pas bouger de peur qu'elle rompe le contact entre leurs mains et il n'en avait pas envie. Il aimait cette petite caresse, aussi manipulateur que pouvait être ce geste...Pourquoi l'était-elle donc autant d'ailleurs ? Elle aurait ce qu'elle voulait, elle aurait la liberté de son frère, elle pourrait le voir le lendemain, elle n'avait plus rien à obtenir en le manipulant de la sorte. “ Cela vous inquiète d'être avec d'autres criminels ? ” demanda-t-il avec un petit sourire, conscient que ça sonnait un peu comme une question de psy...

Une partie de sa conscience lui murmurait à l’oreille de retirer ses mains des siennes, tentant de lui rappeler ce qui s’était passé la dernière fois qu’elle avait osé touché un homme mais une autre venait lui rappeler que pour l’heure, son frère était dans l’impossibilité de savoir ce qui se passait actuellement. Elle n’avait plus vraiment besoin de jouer le rôle de la séductrice mais elle n’avait pas envie de retirer ses mains pour autant. Le contact était agréable et surtout, elle se sentait quelque peu spéciale de savoir qu’elle était la seule à pouvoir le faire sans rien risquer. Étrangement, elle était pourtant curieuse de savoir l’effet que cela lui aurait fait s’il avait été capable de lui aspirer la vie comme il le décrivait.

L’idée d’être en contact avec d’autres âmes en perdition la fit sourire très brièvement, se rappelant à la dernière minute qu’elle ne devait pas avoir l’air trop intéressé. Mais c’était plus fort qu’elle, elle savait, elle sentait en elle certaine pulsion et elle avait d’ailleurs mis en oeuvre certaine chose pour en assouvir celle-ci. Elle avait cherché à les comprendre, à se comprendre plus exactement et faire face à d’autres esprits catégorisé "malade" lui donnait l’impression que peut-être, elle trouverait les réponses à ses propres questionnement. La question de Christopher lui fit relever les yeux vers lui, se replongeant dans son regard alors qu’elle cherchait une réponse adéquate.

"Vous cherchez à m’analyser ?" plaisanta-t-elle qu’à moitié, cela lui permettait au moins de gagner un peu de temps pour réfléchir à sa propre réponse. "Inquiète n’est pas le mot" dit-elle avec une certaine honnêteté cependant, excitée serait le terme exacte mais ça par contre, elle le garda pour elle.

Elle chercha dans son esprit une façon plus adéquate de présenter les choses avant de se souvenir que l’homme qui lui faisait face pourrait très certainement la comprendre, ils avaient échangé assez de lettre pour qu’elle puisse se montrer confiante et honnête.

"Je suis plutôt curieuse..." avoua-t-elle "Je sais que certains évènements...Peuvent amener des personnes à choisir une voie moins...conventionnelle et répréhensible. Mais je sais aussi qu’il y a des personnes qui n’ont...A priori, aucune raison d’être ce qu’ils sont. L’esprit humain est complexe et il le devient encore plus lorsqu’il agit en dehors des préceptes moraux qui régissent le reste de la population."

Malgré sa condition, Lizbeth n’était pas particulièrement idiote, elle pouvait parfois avoir un langage un peu vulgaire mais lorsqu’il s’agissait du domaine de la psychologie, elle se révélait plus instruite et plus posée...Plus passionnée aussi.

"Je sais pas si j’ai le droit de le dire mais...Disons que ça me fascine un peu"

“ Il ne faut pas vous sentir coupable d'éprouver de l'intérêt pour ce domaine, miss Sloan, “ articula Christopher sur un ton franc mais rassurant, presque paternel. Cette envie qu'elle avait d'apprendre, de comprendre, de se rapprocher des criminels et de les étudier, il la comprenait plus que tout au monde. Pourrait-elle être ce qu'il cherchait...? Pourrait-elle être une assistante qui le comprenait et qui serait prête à tout pour les expérience, pour en apprendre plus sur les comportements humains...? Peut-être...Il verrait avec le temps et espérerait jusqu'à ce qu'il soit certain de ce dont elle serait capable. Il ne pouvait se permettre d'être franc avec elle d'emblée, c'était un coup à retourner à la case prison immédiatement, et sans passer par la case départ avant !

Christopher leva lentement l'une de ses mains, la détachant à regret du contact de Lizbeth. Cependant, ses doigts furent à nouveau vite au contact de la peau si douce et pâle de la femme, puisqu'ils se mirent à caresser avec une grande douceur sa joue. Ses yeux plongés dans les siens, il savourait ce contact qui lui était interdit avec n'importe quelle autre personne...Mais ce n'était pas approprié. Pas du tout même. Il était là pour l'embaucher au nom de la MCA, pour l'étudier un peu également et pour s'attirer sa confiance afin de travailler avec elle. Tout cela était fait, tout cela était dans la poche et maintenant, tout ce qu'il devait faire c'était tenir sa promesse.

Le psychiatre se dégagea rapidement, baissant les yeux, légèrement honteux. Il se détourna d'elle légèrement, s'éloignant d'un pas, le souffle légèrement coupé, essayant de reprendre ses esprits. Il se passait quelque chose qu'il ne voulait pas voir, elle était une expérience, une cobaye, rien de plus. “ Pardonnez moi, Lizbeth. Je n'aurais pas dû, ” marmonna-t-il sans la regarder. “ Je ferais mieux d'appeler mes supérieurs, leur parler de la visite. Plus vite je le ferai, mieux ce sera pour vous. ”

Elle sentait bien qu’il y avait quelques choses d’autres qui naissait entre eux. Ou plutôt, qui évoluait. Depuis le jour de leur première rencontre il y avait eu un lien indéchiffrable, une sorte de connexion mais jusqu’à présent ils avaient dû se contenter de regard et de lettres. Pourtant elle ne s’était pas attendu à ce geste, Cette main sur sa joue. Elle se figea littéralement. Ce genre de geste, elle ne les avait connu que de son frère ou de Dorian. Elle aurait dû s’éloigner, se détourner mais elle avait envie de profiter de cet instant. Son frère serait bientôt à nouveau bien présent dans sa vie et ce genre moment lui serait alors définitivement interdit. Déglutissant, son regard plongé dans celui du psychiatre, la peur passa à travers ses iris couleur océan. Elle n’avait pas peur de cet homme non, mais de celui qui reviendrait bientôt dans sa vie. Elle retint son souffle, le temps semblait s’être arrêter et en même temps, ce moment ne dura pas assez au goût de la jeune femme.

Il s’éloigna et en s’écartant, il lui rendit le contrôle de sa respiration. Expirant, inspirant, elle détourna elle-même le regard et reposa ses yeux sur sa tasse de café. En l’entendant s’excuser, elle se crispa un peu plus. Elle savait au fond qu’il n’avait rien fait de mal.

"Ne vous excusez pas" demanda-t-elle bien que c’était trop tard. Prenant sa tasse, elle se dirigea vers l’évier, être dos à lui avait l’avantage de la rendre un peu moins nerveuse.

Son index passa sur le bout de son nez alors qu’elle allumait l’eau, rinçant sa tasse de café et la lavant. Oui, rester dos à lui était la meilleure façon pour elle de ne pas se sentir mal à l’aise face à cette situation.

"Nous ne sommes pas encore collègue..." remarqua-t-elle comme pour chercher une certaine excuse. Elle savait qu’elle avait raconter certaine chose dans ses lettres concernant sa relation avec son frère...Et s’en rappeler la rendit honteuse, elle se sentait mal, sale...Il devait probablement la prendre pour une folle d’avoir fait demander sa libération et pourtant, elle n’avait vu aucun jugement chez lui.

Sa tasse était bien propre mais elle continuait à la nettoyer nerveusement. Observant l’eau s’écouler dans l’évier.

“Et mon frère n’est pas...Encore de retour"

Avait-elle vraiment prononcer ça. Cela sonnait presque comme une invitation, en était-ce une ?